Conseil pour les femmes qui veulent trouver leur – juste – place

Créez de la distance. 

Faites-en moins. De tout ce que vous faites, faites-en moins. Moins de rendre service, moins d’aider, mois de servir, moins d’être disponible, moins de faire pour l’autre, pour les autres.

Par exemple, faites mois souvent la vaisselle, moins souvent le repassage, moins souvent le ménage. Laissez s’amonceler les assiettes sales, les chemises en tas, la poussière sur les meubles. Quand vous ne ferez pas, les autres feront.

Rendre moins service. Tout ce que vous faites pour rendre service aux autres est pris sur du temps durant lequel vous ne faites pas de choses pour vous-même. Au nom de quoi passez-vous après l’autre, les autres ?

Moins vouloir faire plaisir. Pour faire plaisir, vous êtes prête à faire des choses que vous n’aimez pas. Pour quoi ? Pour qui ? Pour quel motif ? Vous pensez qu’en faisant plaisir à l’autre tout le temps vous allez recevoir de l’amour en retour ?

En faire moins ne signifie pas ne rien faire. On n’est pas une potiche quand même ! Mais faire moins a de nombreuses conséquences remarquables. Tout d’abord, si vous ne rangez pas les chaussettes que votre fils laisse quotidiennement en boules sous le fauteuil, il s’ensuivra, après une possible colère, une incompréhension, voire un mutisme. Votre fils va bouder. Il va apprendre à gérer sa frustration. Il va apprendre à vivre dans la réalité qu’il se crée, pas celle de son monde virtuel. Et quand il n’aura plus de chaussettes propres, il va s’occuper de ses chaussettes en boules sous le fauteuil. Et là, vous aurez rendu une future femme heureuse, car quand votre fils aura appris la gestion de la chaussette en boule avec vous, il saura maintenir son acquis de connaissance alors même que vous ne serez plus là, et qu’il partagera sa chambre, et son fauteuil, avec sa propre femme (pour autant que celle-ci ne se charge pas de récupérer les chaussettes en boules… chassez le naturel, il revient au galop).

En refusant de ramasser ses chaussettes, et de les traiter, vous lui enseignez l’autonomie. Par autonomie il faut comprendre que cet homme pourra vivre sans être « assisté » dans ses moindres faits et gestes. Il saura s’occuper de ses chaussettes, ils saura que les chaussettes ont un cycle de vie, que la propreté n’est pas l’œuvre du Saint Esprit, mais bien d’actes répétés et répétitifs, qui prennent du temps et de l’énergie. Il comprendra la dure leçon d’injustice qui dit que : « plus c’est sale, plus on le voit, plus c’est propre, moins on le voit ». Il apprendra à prévoir son stock, non seulement de chaussettes, mais de lessive. Il apprendra à gérer un agenda, car se retrouver le lundi matin sans chaussettes alors qu’un meeting très important est prévu à 8h30, avant que les magasins de chaussettes n’ouvrent leurs portes, est insupportable. Il apprendra ainsi la belle leçon de Confucius qui est que « gouverner, c’est prévoir ». Il apprendra aussi à gérer ses émotions, le choc du tiroir vide, sans chaussettes, la honte d’aller en récupérer, si possible deux de la même couleur, dans le bac à linge sale, la peur que l’odeur de ses pieds n’envahisse la salle de réunion, dans laquelle, je vous rappelle, il y a un meeting super important à 8h30. Il apprendra aussi à vous dire « merci » pour ces « petites choses de la vie » qui sont si anodines, sans importance, sans valeur, et qui pourtant peuvent vous pourrir la vie, et votre carrière par la même occasion. Il apprendra du coup à dire merci à la femme, que ce soit la sienne ou celle qu’il paie pour faire son ménage, pour avoir lavé et rangé ses chaussettes.

Il apprendra aussi la patience, à rechercher dans le tas de chaussettes propres au sortir de la machine celles qui vont ensemble, le dimanche soir, alors que le match l’attend à la télévision, avec bière et orteils en éventail.

Il apprendra à ne plus être assisté pour tous les actes de la vie, de la vraie vie. Non pas qu’il doive les faire tous, tout le temps, mais qu’il en ait une conscience vivante et présente.

D’ailleurs, comment nomme-t-on une femme qui s’occupe de tout dans une administration quelconque ? Une assistante ! Elle assiste le boss, elle fait tout ce qu’il ne fait pas, non seulement elle déroule les chaussettes sales et les lave, les plie et les range – dans le jargon on parle d’organiser, traiter, ranger, vérifier, classer… un dossier – mais en plus elle les prépare ! Elle sort les chaussettes du tiroir, les déplie et les pose sur le lit à portée de mains de son cherhomme. Itou au bureau, c’est Elle qui prépare le powerpoint avec le café, qui lui rappelle sa séance, qui lui fait remarquer que la cravate est de travers pour la photo, qui lui dit « où » signer le texte qu’Elle a écrit… Une Assistante.

En faire moins, outre l’autonomie enseignée aux proches, engendre également une dialectique intéressante sur la gestion des conflits. Votre fils adoré, fâché puis boudeur, va éventuellement vouloir comprendre. Et il va chercher la discussion, ou pas. Dans le deuxième cas, c’est un apprentissage supplémentaire pour vous d’apprendre à déployer votre autorité. Lui imposer une discussion. Ne pas être d’accord. Etre d’accord qu’on peut ne pas être d’accord, mais que c’est votre choix, parce que vous êtes SA mère. De l’autorité à l’autorisation, la permission de s’occuper de ses chaussettes tout seul. Le rassurer, oui, il peut le faire. L’encourager. Le féliciter. Lui montrer l’usage de la machine à laver. Et ensuite, mot magique, ranger. Ranger la lessive, ranger ses chaussettes, pliées en deux, joliment. S’occuper du ménage, c’est du management !

Madame, dès que vous décidez d’en faire moins, vous devenez un manager hors pair. Vous avez appris une notion essentielle qui est : « la délégation », de faire faire aux autres au lieu de faire à leur place.

Il y a encore un autre avantage notoire à en faire moins. Quand vous vous mettrez à faire, à refaire, vous allez recevoir un sourire surpris, ou une remarque positive, voire éventuellement, dans les cours avancés, un « merci » plus ou moins timide. Pendant des années vous avez lavé et rangé ces satanées chaussettes sans que personne ne se rende compte de ce travail quotidien, répété, fastidieux, et là, du coup que vous ne le faites plus tout le temps, vous aurez droit à une reconnaissance.

En faire moins va surtout provoquer un phénomène extraordinaire : créer de l’espace entre vous et les autres. Prendre un peu de distance, vous distancer des autres va vous rapprocher de… vous. A moins faire pour les autres, vous aurez soudain du temps à vous, dans cet espace qui vous appartient. Vous allez vous centrer, et plus vous serez centrée, plus vous allez fonctionner comme un aimant qui attire ce qu’il souhaite. Le flux va s’inverser. A vous ensuite de trouver un juste équilibre entre ce que vous allez donner et ce que vous allez – enfin – recevoir.

NB : si vous n’avez pas de fils, vous pouvez commencer votre apprentissage avec votre compagnon, c’est tout pareil. Et si vous craignez qu’il vous quitte parce que vous ne vous occupez plus de ses chaussettes (ou de sa vaisselle sale, ou de ses chemises etc.) demandez-vous si c’est sa femme de ménage qu’il aime ou vous.

 

 

 

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