L’allaitement payé, un succès social ?

La Suisse doit ratifier la Convention 138 de l’Organisation Internationale du Travail sur la protection de la maternité. Par cette signature, les femmes auront droit à deux pauses de 45 minutes par jour pour allaiter, et ce, jusqu’à une année d’allaitement.

Ce « droit biologique » suscite de nombreuses questions.

Tout d’abord reconnaissons que l’allaitement maternel est un bienfait pour le nourrisson. Ensuite, balayons la périlleuse question du « comment » donner 45 minutes à une femme pour qu’elle allaite en pleine matinée, et en pleine après-midi. Bébé dort sous le bureau ? Il existe une crèche d’entreprise ? Elle peut se déplacer ? On peut lui apporter Bébé-Roi ?

Ceci étant posé, examinons les conséquences anti-démocratiques, discriminatoires et préjudiciables d’une telle proposition.

Tout d’abord, du point de vue des employés en général, si une catégorie « biologique » a droit à un versement supplémentaire de prime pour cette raison biologique, on peut ensuite imaginer que certains pratiquants religieux puissent obtenir une prime pour leur pratique durant les heures de travail. La religion, comme le sexe, font partie de l’article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Avoir le droit d’allaiter durant les heures de bureau partage sa source avec le droit de culte pour toute pratique religieuse. A quand les cinq prières de l’Islam au bureau ? Donner un droit lié au sexe est une porte ouverte à d’autres requêtes visant la prétendue non-discrimination.
Ensuite, du point de vue des femmes, celles qui allaitent auront une prime, alors que celles qui n’allaitent pas n’en auront pas. Que cherche-t-on ? A culpabiliser les femmes qui n’allaitent pas ? A les faire mentir, car comment vérifier que la femme donne bien le sein à son enfant ? Et encore pis, que se passera-t-il pour les femmes qui n’ont pas d’enfant ? Des « vilaines » qui auront moins de salaire parce qu’elles n’enfantent pas ? D’autre part, combien de femmes sont touchées par une telle mesure ? 3 % Qu’en est-il des 97 % restant ?
Du point de vue de la carrière de la femme, quelle sera la conséquence d’un « allaitement payé » ? Une femme de trente ans aujourd’hui se trouve déjà dans une situation délicate lors de sa recherche d’emploi. Elle ne décroche pas de poste, malgré ses beaux diplômes, parce que l’employeur éventuel craint qu’elle ne « tombe » enceinte. Le droit chèrement acquis du congé maternité a comme effet pervers de rendre plus difficile l’accès au travail pour les femmes. En effet, prenons la place de l’employeur. Il doit engager une personne. Il se trouve devant un dossier d’un jeune homme et celui d’une jeune femme. Tous deux ont trente ans. Tous deux ont les mêmes diplômes. A choisir, dans ce monde compétitif, il va choisir… celui qui est le plus efficace, rentable profitable et le plus « présent » ! La jeune femme va éventuellement avoir un bébé, voire deux, ce qui signifie pour lui une ou deux fois quatre mois d’absence, des problèmes de remplacement à organiser, d’équipe à gérer etc. Il choisira plus aisément… le jeune homme. Si maintenant on rajoute encore un droit à l’allaitement, il choisira sans hésitation l’homme. Car même s’il devient papa, il sera présent ! Et il n’allaitera pas ! Donner un tel droit aux femmes crée un avantage économique et professionnel certain aux hommes. Ce qui provoque un frein supplémentaire à la progression de carrière de la jeune femme, qu’elle allaite ou non son enfant.
Rappelons que le tabou de la jeune femme au travail est réel. Un droit biologique tel que l’allaitement payé provoquerait une discrimination professionnelle en sa défaveur. Elle aura des droits, certes, mais pas de travail, ou au mieux, pas de carrière.
En conclusion je dirais que la sphère privée est la sphère privée, et que la sphère professionnelle est la sphère professionnelle. Le travail peut s’inviter dans la sphère professionnelle, car il reste extérieur à l’organisation de la PME famille. En revanche, le privé, émotionnel, biologique, sexuel, ne peut pas investir la sphère professionnelle. Se mettre à nu devant ses collègues risque fort de ne montrer de la femme que la mère, et non plus la femme professionnelle. Au travail, une femme est d’abord une employée comme un-e autre. Ensuite elle est maman.
Une personne est employée pour effectuer un certain nombre et type de taches, et elle est payée pour cela. Le reste fait partie du domaine privé. Si une femme veut allaiter après quatre mois, elle doit faire un choix. Soit elle travaille et elle allaite x fois par jour et les deux fois où elle ne peut pas le bébé est nourri au biberon par une autre personne. Soit elle veut allaiter tout le temps, alors elle reste à la maison le temps nécessaire et demande un congé sabbatique supplémentaire.
Le problème juridique avec ce droit biologique est qu’il oublie un élément fondamental dans la naissance d’un enfant. Le bébé n’a pas une mère. Le bébé a une mère ET un père. Chaque droit donné devrait être donné à l’enfant, et non à sa mère seule. Car chaque fois que la femme se voit donner un droit lié à sa maternité, elle subit en conséquence des effets de discriminations. On ne voit plus en elle l’excellente juriste, on voit la mère qui allaite. Et ensuite, on la maintiendra dans ce rôle maternant. Tout droit donné devrait l’être aux deux parents : congé parental et non congé maternité. Droit à l’allaitement ? Pour le père et la mère alors. Que le père ait aussi le droit d’aller donner deux fois par jour le biberon à son enfant.
Une femme professionnelle est une femme compétente professionnellement, avec ses connaissances, son expérience, ses valeurs, sa personnalité. Cela créée son identité professionnelle, qui EST, nonobstant son identité personnelle. Qu’elle soit célibataire, mariée, divorcée, avec ou sans enfants, homo, hétéro, de la religion x ou y, de couleur… ce qui compte pour ses qualifications en fin d’année est son identité professionnelle. Le reste est du domaine du privé, et doit y rester. Comme pour un homme. L’enfant a un père et une mère, biologiquement parlant. Alors tout droit biologique doit être donné aux deux. Si l’on veut respecter nos beaux principes démocratiques.
Liens :

Partagez cet article