Encore une tique : Merci… de rien !

Vous avez fait les courses pour votre voisine, alors que vous avez vos enfants à la maison, votre mari qui tourne comme un lion en cage, vous avez attendu en ligne devant le supermarché, pris des risques car le monsieur derrière vous a éternué trois fois sans se mettre dans son coude, oublié la nourriture du chien et du coup, vous devrez y retourner, perdu la matinée ou presque… Et quand enfin, vous arrivez devant la porte de votre voisine, que vous sonnez, qu’elle ouvre et vous remercie avec un grand sourire, vous répondez, déjà en train de repartir : « de rien ».

Rappelez-vous les Mystères de l’Ouest, Robert Conrad, allias James West, avait sans sa botte bien caché un pistolet à deux coups. Pan, Pan. Le truc infaillible, qui tue quand on n’y pense pas, quand tous les autres sont finis. La parade finale.

« DE RIEN ». Deux coups. Le nombre de femmes que j’entends dire « de rien ». Des hommes aussi, je le reconnais, je ne suis pas sexiste. Elle a rangé les affaires, il lui dit merci, elle répond : « de rien ». Elle a fait les devoirs, les enfants sont prêts malgré tout, ils lui disent merci, et elle répond : « de rien ». Il a tondu la pelouse, repeint la barrière, lavé la voiture, elle lui dit merci, et il répond : « de rien ».

Quelle tique ! Elle est coriace celle-ci ! Quoi de rien ? Vous avez fait les courses, vous avez fait les devoirs, vous avez tondu le gazon. Ce n’est pas rien ! C’est quelque chose ! A chaque fois que l’on dit : « de rien » c’est comme si on dévalorisait son propre travail et qu’on dévalorisait du même coup le feedback de l’autre ! Il a vu que j’ai fait les courses, mais comme je dis que ce n’est rien, cela n’a pas de valeur de faire les courses et encore moins de le reconnaître… alors quoi ? Qu’est-ce qui a de la valeur ? faire les devoirs n’a pas de valeur ? ranger les affaires ? Faire un jeu ? Préparer le repas ? Pas de valeur ?

Le fait de ne pas valoriser, ou pire, de dévaloriser, ce que j’ai fait, enlève de la valeur à mes yeux et aux yeux de l’Autre. Donc à quoi bon dire merci ? Puisque cela ne vaut rien. Et voilà la spirale infernale qui descend vers le bas. La tique grossit, grossit, grossit, jusqu’à être tellement moche qu’on ne voit plus qu’elle !

Vite ! il est temps de l’enlever. Vous avez fait les courses ? Votre voisine vous remercie avec chaleur ? Et si vous donniez de la valeur aux courses ET au remerciement ? En disant « avec plaisir, je suis content.e d’avoir pu vous aider, et cela me fait chaud au cœur de savoir que vous êtes heureuse et que vous me disiez merci ». Un merci appelle un merci, c’est une constellation qui se démultiplie, une compassion qui s’envole et qui adoucit tous ceux qui sont touchés.

Vous avez fait les devoirs et on vous dit merci ? Répondre par exemple que c’était avec joie, que vous êtes tellement honoré.e de pouvoir aider, que les devoirs vous ont rappelés votre enfance… Vous avez tondu le gazon ? On vous dit merci ? Vous pouvez souligner à quel point c’est physique, que vous avez perdu l’habitude, que vous avez eu du plaisir, que vous avez vu des fleurs et des abeilles, et que vous êtes touché de voir que votre travail est reconnu. Vous avez préparé un bon dîner ? La famille réunie vous dit merci ? Vous pouvez rougir de plaisir, vous pouvez raconter comment vous avez cuisiné, ce que vous avez préparé, comment vous avez coupé les légumes, les fruits, fait la pâte à tarte… Tout le monde vous écoutera. Et le goût en sera différent, vous verrez. D’ailleurs, vous pouvez m’en garder un part ? Elle est tellement appétissante et elle sent tellement bon. J’ai bien envie de me régaler. Merci !

 

 

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