Ecologique ? Economique ? Non ! Ecolocal !

Wikipedia nous dit que le terme écologie vient du grec oikos (maison, habitat) et logos (science) : c’est la science de la maison, de l’habitat. Aujourd’hui on parle plus de la science qui étudie l’humain et son environnement. On pourrait penser que l’écologie détient la même racine que économie, eco-logie et eco-nomie. Et bien oui, toujours selon la même source, l’économie, du grec ancien οἰκονομία / oikonomía, administration d’un foyer, créé à partir de oikos et de nomos (loi, coutume ), est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services. Les deux sont forcément liés, vous l’aurez compris. Toute entreprise qui se respecte aujourd’hui a bien saisi que la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et services écologiques était une source de profit, n’en déplaise aux chevelus du Vercors. Le « lavage vert » ou « green-washing » en anglais, trouve bien sa source dans ce vernis d’écologie qui nous fait acheter en se disant qu’on fait une bonne action.
L’écologie est dans l’air du temps. Il faut prendre en compte notre environnement, comme le disait si bien le père du Petit Prince : « on ne possède pas la terre, on l’emprunte à nos enfants. » On mélange allégrement l’écologie et la philanthropie (souffrir avec). Il est temps d’agir, allons sauver les baleines, les enfants du Rwanda, les fillettes prostituées de Thaïlande, les orphelins de Roumanie et toutes autres catégories de « miséreux » qui tant qu’ils sont loin sont aidables. C’est bon pour notre sentiment de culpabilité. On achète à des entreprises qui « soutiennent des causes ». Pour chaque jeans acheté, un franc ira à la fondation des unijambistes taiwanais. Achetons donc ! Acheter des T-shirts qui coutent 5 francs en se disant que les ouvrières et ouvriers ont signé la charte sur les droits du travail nous dédouane de nous poser la question de combien gagne la dite ouvrière ou le dit ouvrier en fin de compte. J’achète toujours moins cher, mais le coeur léger, j’ai payé mon tribut environnemental, le coton de mon slip est « green ». « Green comment ? Green green ». Et de toutes façons, ces personnes sont très loin, dans des pays qu’on ne situe pas vraiment sur une carte.
La nouvelle tendance éco pour l’économie est une aubaine. Au nom de la responsabilité sociale des entreprises, on lance de beaux programmes pour « aider » les gens, là-bas. Aider là-bas pour acheter moins cher ici.

Et pendant ce temps… le grand méchant loup…

En corollaire à ces achats colorés de vert qui maintiennent quantité d’hommes et de femmes dans des situations d’esclavage forcé, nos sociétés souffrent d’un mal identique, mais en creux. Pour tous ces gens qui travaillaient dans la douleur, nous ne travaillons plus, dans la douleur. Nous chômons, dans la douleur. Nos entreprises ferment, dégraissent, renvoient, limitent les embauches. Nos entreprises serrent les ceintures ici, pour les ouvrir là-bas, où il fait moins cher. Que ce soit les banques suisses, qui voient leurs activités se réduire comme peau de chagrin en Suisse pour exploser littéralement dans des pays comme Singapour, les Bahamas, ou les belles îles anglaises. Que ce soit les entreprises de production qui ferment les usines pour les rouvrir là-bas, en Hongrie, Pologne ou Ukraine où les ouvriers, éduqués au communisme, sont avides de travailler bien et dociles aux ordres.
C’est la loi du libre échange, l’économie propose. C’est la loi du choix, l’écologie dispose. Ici on s’appauvrit en ne produisant rien et en achetant tout très bon marché en appauvrissant là-bas ceux qui produisent mais ne peuvent rien acheter du tout, ou presque.
Dans une relation bipartite malsaine, ou bancale, lequel des deux peut la faire changer ? Celui qui a le pouvoir, qu’il soit affectif, moral, intellectuel, autoritaire ou autre. Le pouvoir aujourd’hui, et dieu sait pour combien de temps encore, est entre nos mains. Pourquoi ? Parce que nous achetons. Nous payons, nous avons le pouvoir d’achat. Et que pouvons-nous faire ?
Nous pouvons remplacer l’écologie économique par l’écolocal. Ecolocal n’a pas de définition dans wikipedia, il est temps de lui en créer une. Ecolocal est une vision qui nous fait consommer… local. Ce qui est proche de nous est éco…logique et éco…nomique.
En achetant écolocal, je vous propose quelques pistes de réflection à l’innovation :

  1. Nous maintenons nos emplois, les gens sont des travailleurs et non des chômeurs. Ils gagnent leur vie par leur travail. On achète « made in ici » plutôt que « m… in là-bas ».
  2. Nous permettons aux ouvrières et ouvriers de ces pays lointains de commencer à créer des structures économiques qui leur sont propres, avec leur culture, à leur taille, avec leur vitesse de développement. Ils ne sont plus « esclaves » de multinationales, ils sont micro-entrepreneurs. Ils ne sont plus soumis politiquement, ils découvrent la démocratie, leur démocratie.
  3. Nous gagnons en pollution : que ce soit pour les personnes qui travaillent ou pour les biens qui circulent, les transports sont réduits. Au lieu d’acheter un gadget qui a été produit en Asie et qui a traversé les mers en containers, on l’achète ici, dans un rayon de quelques kilomètres. On pollue moins…
  4. On vend moins parce que c’est plus cher, donc on doit produire de la meilleure qualité. Moins de poubelles à détruire, à recycler. Un geste pour l’environnement…
  5. On rencontre des gens qui produisent ce que l’on consomme. On est responsable de la production et de la consommation. On re-devient des agents économiques et écologiques complets.

Ecolocal est une utopie ? Un joli mot ? Peut-être. Pourtant le concept existe depuis longtemps puisque on le trouve en latin, dans la formule « hic et nunc ». Ecolocal, c’est ici et maintenant.

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