« Ce n’est pas grave » ? C’est très grave !

Il y a dans nos langages des tiques, oui j’ai bien écrit des « tiques » genre de bestioles relativement petites quand elles s’accrochent à nous, et qui grandissent en nous pompant du sang. En soi, à part être moche, oui, moche, si vous la regardez en grand, elle n’a rien d’un petit lapin de Pâques, elle n’est pas très dangereuse. Elle s’enlève en l’arrachant, attention à ne pas lui arracher la tête qui reste ancrée dans la peau et recommence à créer son corps, encore plus fort. Le risque est ce qu’elle véhicule, qui peut nous attaquer dans nos articulations, au plus profond de nous.

Dans notre langage, nous avons des tiques. Des tiques de langage. Je vais vous en décrire quelques unes. La première tique est celle du « c’est pas grave ». Cette petite phrase est souvent prononcées quand il se passe quelque chose de désagréable, qu’on n’attendait pas, qui survient contre notre volonté. Il n’est pas venu alors qu’il avait dit qu’il viendrait ? Ce n’est pas grave. J’ai raté mon examen ? Ce n’est pas grave. Je voulais partir en vacances, je suis fatigué.e et je ne peux pas partir ? Ce n’est pas grave.

En fait c’est très grave de dire ça. Car cette petite phrase est comme si les émotions ressenties n’avaient aucune valeur ou pire, n’existaient pas. Je suis déçu.e, j’ai mal, je suis triste… et que dis-je ? « Ce n’est pas grave ». Comme si ce que mon corps m’envoie comme message était juste un truc à mettre à la poubelle, vite, vite, comme si de rien n’était. Où est le problème me direz-vous ? Il est que nous n’écoutez pas vos ressentis, vos émotions, votre petite voix qui est déçue, triste, qui souffre. Un peu comme si un enfant venait vers vous en vous montrant son genou écorché suite à une chute à vélo et que vous lui disiez « ce n’est pas grave, va refaire du vélo ». De quoi a besoin cet enfant qui pleure ? d’un sparadrap ? oui et de quoi encore ? D’être pris dans les bras, d’être consolé, câliné. De calmer ses larmes, sa frustration ou sa honte d’être tombé, sa peur. Une fois calmé, rassuré, consolé, il pourra retourner faire du vélo, en confiance, car il sait que ça arrive de tomber. On ne l’a pas grondé.

Et nous, que faisons-nous dans une situation qui nous fait de la peine ? Nous brandissons notre tique :« ce n’est pas grave ». Qui cache un message dangereux. Nous ne nous consolons pas, nous ne prenons pas en compte le fait qu’il y a un état émotionnel qui demande une action, de la douceur, de la reconnaissance, de la compassion. Si c’est grave qu’il ne soit pas venu, car cela me fait mal au cœur, je m’étais réjouie, j’avais préparé quelque chose. Je suis déçue, je suis triste. J’ai besoin de vivre, de traverser cet état émotionnel pour pouvoir le laisser passer. Si je l’ignore et que je le nie, il va revenir, de plus en plus fort, comme la tique qui grandit, grandit, grandit.

Si je veux pouvoir écouter le message que l’Autre me dit, m’offre, quand il « tombe de vélo et s’écorche les genoux », il vaudrait mieux que je commence à écouter ma propre voix et lui demander d’arrêter de dire « ce n’est pas grave » à tout bout de champ. Oui c’est grave, car ce sont mes ressentis qui sont les messagers de mon état émotionnel. Oui c’est important, non pas qu’il soit ou non venu, mais ce que je ressens. Et ce que je fais avec mon ressenti. Le nier ou l’écouter ? L’ignorer ou le consoler ? L’évacuer ou le laisser s’exprimer. Et reconnaître que « je suis triste » n’a rien à voir avec « tu me rends triste ». L’Autre n’est pas responsable de mon ressenti. Je suis responsable de vivre mes ressentis, qu’ils soient provoqués par l’Autre est une autre histoire, qui concerne ce que je vais décider de faire, ou ne pas faire, dans les prochaines situations.

Mais avant toute chose, écoutez vos ressentis, vos émotions, car ces messages sont des choses à vous dire. Et si vous pouvez les écouter chez vous, vous pourrez les entendre aussi quand ils émaneront des Autres.

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